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On a parlé de la masculinité et de ses tabous avec les auteurs de la série Fluide

On a parlé de la masculinité et de ses tabous avec les auteurs de la série Fluide

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Par Delphine Rivet

Publié le

Fluide, c’est un projet un peu méta où se mêlent fiction et réalité et qui fait péter le moule de l’hétérosexualité masculine.

Ce lundi 29 mars, Arte lance Fluide, une série atypique à bien des égards. Au rythme des questionnements de ses deux héros, elle explore la masculinité, la quête du plaisir, l’hétérosexualité et la vie de couple. En dix épisodes d’environ 6 minutes, elle lève quelques tabous et s’évertue à malmener des injonctions encore trop persistantes, surtout quand on est un homme en 2021. On y suit les aventures sentimentales et sexuelles de Waël et Léo (Matthias Jacquin et Simon Thomas), deux auteurs de BD, en couple avec Esther et Emma (Manon Kneusé et Pauline Clément).

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Quand cette dernière annonce à son mec qu’elle a très, mais vraiment très envie de coucher avec une femme en particulier, c’est tout l’écosystème amoureux des deux auteurs qui va se trouver bouleversé. Ils décident alors, tels des anthropologues, de documenter leurs expériences dans une BD. Et comme un prolongement de leurs réflexions, cette dernière prend d’ailleurs vie dans notre réalité puisqu’elle sortira le 2 avril en librairies, chez Dargaud – Arte Éditions.

Nous avons rencontré les deux créateurs de cette œuvre transmédia, Thomas Cadène et Joseph Safieddine, qui nous racontent comment est née cette série, et pourquoi elle est si pertinente en 2021.

Biiinge ⎜D’où vous est venue l’idée de faire une série et de la prolonger en BD ?

Joseph Safieddine ⎜ On avait un peu ce fantasme de raconter notre quotidien d’auteurs de BD, et puis ça s’est nourri de certaines interrogations qu’on avait.

Thomas Cadène ⎜ Il y a une certaine cohérence dans le récit : nos héros créent une BD et on avait donc envie de voir aussi le fruit de leur travail. Il y a ce côté méta, presque documentaire, où l’on regarde l’objet se faire. Et puisque c’est notre métier, on a voulu qu’elle existe vraiment, cette BD. Finalement, écrire, c’est aussi un acte d’exploration. Ce sont des sujets passionnants et qui, je pense, peuvent entrer en résonance avec n’importe qui.

J. S. ⎜ On l’avait initialement pensée en 26 minutes. Au fil des discussions avec Arte et Katia Raïs [la productrice, ndlr], on s’est dit que c’était très intéressant de faire ce format-là, très court.

T. C. ⎜ C’est un format de l’ellipse aussi et c’est quelque chose qu’on pratique beaucoup en BD. Traditionnellement, la BD, c’est un médium feuilletonnant, donc ça se prête très bien à la série.

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Qu’est-ce qu’elle raconte, selon vous, sur la masculinité en 2021 ?

J. S. ⎜ On voulait parler des injonctions, notamment sur la virilité, qui écrasent cette génération.

T. C. ⎜ On montre une masculinité qui se reconstruit, qui se redéfinit, qui se débarrasse de ses évidences pour s’en trouver d’autres qui sont, pour le coup, plus fluides. On est bien loin de définir la masculinité, mais on fait plutôt le constat soit d’une absence de définition, soit d’une redéfinition, plus ouverte, plus souple.

Fluide évoque, entre autres, des sujets comme l’orgasme prostatique, ou la pratique du pegging. Est-ce qu’il y avait une volonté de briser certains tabous ?

J. S. ⎜ Pour moi, ce sont des tabous qui sont en train d’être levés, notamment dans les podcasts, mais ça ne se retrouve pas après naturellement dans les conversations entre mecs. On sent que c’est quand même encore des sujets qui bloquent. On voulait que nos personnages se confrontent à ça. Même nous, on voit ces sujets émerger, on se pose des questions, on confronte notre propre regard à ces sujets. Ça nous paraissait naturel de l’aborder dans la fiction aussi. C’est même étrange que ce ne soit pas plus évident.

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T. C. ⎜ Il y a quelque chose qui nous énerve dans la fiction, c’est qu’à chaque fois qu’on voit des plans à quatre, les mecs ne se touchent jamais. C’est intéressant de se demander pourquoi, même quand on est au maximum de l’audace, il y a toujours ce genre de tabous qui persistent. J’avais d’ailleurs beaucoup aimé Sense8, parce que c’était la première série où, justement, tout ça volait en éclats. Même quand certains personnages sont censés être hétéros, il y a toujours un moment, quand ils sont connectés, où ils sont dépassés par leur sensualité. La question du plaisir prend le dessus sur celle de l’orientation.

C’est vachement intéressant d’un point de vue intellectuel et créatif, de mettre des personnages dans ces positions-là et d’interroger ce qui bloque, ce que ça signifie, ce que ça dit de la masculinité, du couple, de la société en général. On part évidemment de notre regard masculin, mais on a essayé de le désamorcer. On est aussi le produit de cette société, on est des mecs dans une société patriarcale, on ne va pas faire semblant… Mais l’avantage de la fiction, c’est qu’on peut déconstruire des personnages plus vite que soi. On peut les placer dans certaines situations, et les rendre plus audacieux que nous. C’est un processus qui nous a poussés à nous poser des questions.

Et des questions, il y en a encore plein à explorer, peut-être dans une saison 2 ?

J. S. ⎜ On espère vraiment qu’il y aura une saison 2, on a déjà les arches narratives, on est prêts !

© Dargaud – Arte Éditions

Découvrez le premier épisode de Fluide :

Retrouvez Fluide à partir du lundi 29 mars sur arte.tv et ses chaînes sociales, et la bande dessinée en librairies le 2 avril (Dargaud – Arte Éditions).