En thérapie, saison 2 : “Ça nous a fait du bien de réentendre la voix du Dr Dayan”

En thérapie, saison 2 : “Ça nous a fait du bien de réentendre la voix du Dr Dayan”

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Par Delphine Rivet

Publié le

On a poussé la porte du cabinet de psy pour discuter avec la directrice d’écriture et les deux co-créateurs de la série d’Arte.

Elle est l’une des nombreuses adaptations de Be Tipul, un format imaginé par l’Israélien Hagai Levi en 2005. En thérapie, lancée sur Arte en plein confinement début 2021, a connu un succès immédiat sur la chaîne franco-allemande et sur sa plateforme Arte.tv. Sa saison 2, sortie fin mars dernier, a d’ores et déjà cueilli un public acquis à sa cause. Encore sonné·e·s que nous sommes par la pandémie, la guerre en Ukraine, les élections et tout le reste, nos retrouvailles avec le Dr Dayan n’en sont que plus cathartiques et réconfortantes.

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C’est dans le cadre du dernier festival Séries Mania, qui s’est tenu à Lille du 18 au 25 mars, que nous avons pu rencontrer Éric Toledano et Olivier Nakache, à qui l’on doit cette version française, ainsi que sa directrice d’écriture sur la saison 2, Clémence Madeleine-Perdrillat.

Konbini Biiinge | Je voulais qu’on revienne sur la genèse de la série. Pourquoi cette adaptation alors qu’il y en a déjà eu pléthore à travers le monde, et notamment l’Américaine In Treatment, que le public français a pu voir ? Est-ce que c’est parce que ça vous offrait aussi des possibilités d’appropriation ?

Éric Toledano | C’est exactement ça. Ce n’est pas une série dupliquée, mais qui s’adapte totalement à la culture du pays. Comment les gens vivent, comment ils ressentent les choses… puisque c’est l’intime que l’on sonde. On avait vu l’originale, Be Tipul, avant d’être déclinée aux États-Unis, et on avait trouvé le format génial.

Plus tard, nos productrices ont organisé une rencontre avec Hagai Levi, son créateur, et on lui a demandé si on pouvait encore adapter sa série. Il nous a répondu : “Mais évidemment, c’est quelque chose que tu peux décliner. Les Brésiliens ont fait quelque chose, les Italiens aussi, mais la France pourrait faire quelque chose de fou avec les acteurs que vous avez, les réalisateurs…” Du coup c’est parti comme ça.

Qu’est-ce qu’il pense de toutes ces versions de sa série qui naissent aux quatre coins du monde ?

Éric Toledano | Il est fier, parce que je crois que c’est la série la plus adaptée au monde, avec dix-neuf adaptations. Il nous disait : “Pour un gars qui a essayé d’aborder la psychanalyse, qu’il n’y ait ni la France ni l’Allemagne, ça m’embête.”

Olivier Nakache | C’est comme s’il avait planté des graines qui germent un peu partout. Mais c’est vrai que c’est génial de voir que ça inspire d’autres personnes.

Éric Toledano | En même temps, quand tu as vraiment un beau morceau de musique ou une chanson, il peut être revisité plein de fois. C’est une réappropriation de son propos, mais avec d’autres subjectivités. Nous, à notre niveau aussi, c’est vrai qu’on nous parle souvent d’Intouchables [dont ils sont les réalisateurs, ndlr], et pareil : on n’en aura jamais marre.

Clémence Madeleine-Perdrillat, vous êtes directrice de collection sur la saison 2, vous êtes notamment garante de la cohérence des scénarios. C’est comment d’adapter le travail d’Hagai Levi ? C’est un scénariste que vous admirez, je crois ?

Clémence Madeleine-Perdrillat | Je suis une des plus grandes fans en France d’Hagai Levi ! J’ai d’abord découvert In Treatment et après Be Tipul. Ce sont des séries qui ont été hyper importantes pour moi. Je suis passionnée par l’analyse, étant moi-même en analyse depuis dix ans. Pour moi, c’était un défi énorme, c’était la première fois que je faisais de la direction d’écriture.

Quand on a commencé à écrire, il fallait livrer 35 épisodes en neuf mois. Un travail colossal. Hagai Levi garde un œil sur son bébé, même de loin. Il est très en confiance. Il a eu un regard sur les textes, notamment sur le personnage de Claire, joué par Charlotte Gainsbourg, le seul ajout par rapport à la version originale. C’était un choix d’adaptation, qu’il a complètement encouragé et validé.

Pour cette saison 2 justement, on fait un bond de cinq ans pour se retrouver de nos jours, avec pour toile de fond la pandémie. Pourquoi cet écho à l’actualité ?

Clémence Madeleine-Perdrillat | On en a parlé très tôt avec Éric et Olivier. On avait cette intuition qu’il fallait un point de départ fort, comme l’avait été celui des attentats en saison 1. J’ai la sensation que la pandémie a révélé chez chacun de nous des peurs, des névroses, des systèmes pour protéger notre psyché. La série interroge vraiment tout ça. Et elle console aussi, parfois.

Éric Toledano | Un cabinet de psy, c’est comme une caisse de résonance où les maux de la société se cognent. On a mis des personnages qui sont un peu dans l’urgence, qui arrivent dans le cabinet et disent “Je veux guérir tout de suite”. C’est un peu ce qu’on vit dans la société. Et en fait, c’est au Dr Dayan de remettre un peu de lento, du pas à pas, dans tout ça.

Clémence Madeleine-Perdrillat | On a fait le pari que ne faisaient pas les versions originales qui est de faire une ellipse de cinq ans. C’était une décision importante à prendre. Il est maintenant divorcé, ses enfants ont grandi, il a une nouvelle superviseuse, et il vit avec le fantôme d’Adel [le personnage incarné par Reda Kateb en saison 1, ndlr], et un peu aussi le fantôme d’Ariane [jouée par Mélanie Thierry]. Parce que, même si elle n’est pas morte, c’est l’endroit où sa pratique a failli, donc il ne se le pardonne pas. La saison 2 s’oriente donc autour de ces thèmes, comme la mort, et comment on rebondit, comment on s’invente une nouvelle vie.

C’est une série qui pourrait être voyeuriste, puisqu’on entre dans ce sanctuaire qu’est le cabinet de psy, mais qui finalement ne l’est pas du tout. Ça tient à quoi, selon vous ?

Olivier Nakache | C’est toute la question de la distance avec le patient. On reste avec celui ou celle qui raconte, et surtout avec celui qui ne parle pas, celui qui écoute : le Dr Dayan. On a la chance d’avoir cet acteur, Frédéric Pierrot, qui a une écoute très active. C’est une série aussi sur le détail. C’est vraiment sur les petits détails que les gens vont pouvoir se retrouver.

Éric Toledano | S’il n’y avait pas eu Frédéric, il n’y aurait peut-être pas eu de deuxième saison. Quand on a fait les premières lectures, même nous, ça nous a fait du bien de réentendre la voix du Dr Dayan. Donc on s’est dit si nous, ça nous fait ça, normalement, le public, à la première seconde, il y trouvera quelque chose de rassurant. C’est presque comme s’il nous faisait du bien.

La saison 2 d’En Thérapie est actuellement disponible sur le site Arte.tv.