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5 coups de cœur dénichés au Festival Canneseries

5 coups de cœur dénichés au Festival Canneseries

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@YaronScharf/@It’s Alive Films/@AmazonPrimeVideo

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Par Marion Olité

Publié le

Des pépites qui, on l’espère, trouveront des diffuseurs en France.

Le Festival Canneseries, qui se tenait du 8 au 15 octobre, a fermé ses portes après une semaine de belles découvertes et rencontres sérielles. Le jury a rendu son palmarès 2021, et voici maintenant les séries qui nous ont tapé dans l’œil. On espère, pour celles qui ne sont pas encore achetées en France, qu’elles auront été repérées sur place et que de bonnes surprises seront annoncées. Comme vous allez le découvrir, il y en a pour tous les goûts !  

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Sisi 

Impossible de s’attaquer à cette figure historique sans penser à sa version grand écran et à l’interprétation de la fabuleuse Romy Schneider dans le rôle-titre, dans la trilogie autrichienne Sissi, réalisée dans les années 1950 par Ernst Marischka. Le deuxième film, Sissi impératrice, fut d’ailleurs présenté en compétition officielle au Festival de Cannes en 1957. Plus de 60 ans après et sur La Croisette, voici donc venir un nouveau regard, plus moderne, avec cette série allemande, créée par Andreas Gutzeit, Robert Krause et Elena Hell. C’est l’actrice suisse Dominique Devenport qui incarne la jeune et fougueuse Sisi dans cette version centrée sur son passage à l’âge adulte, de sa rencontre avec l’empereur François-Joseph, joué par Jannik Schümann (vu dans Tribes of Europa) à son mariage, racontés dans les deux premiers épisodes visibles à Canneseries.  

©Beta Film

Sans être révolutionnaire, Sisi bénéficie d’excellents interprètes, d’une photographie royale (les paysages forestiers comme la reconstitution historique, de la décoration au département costume) et d’une histoire puissante, celle d’une jeune femme qui découvre son désir (la série souligne sa sexualité naissante) et vit ses premiers émois alors même qu’elle doit apprendre à les cacher et se conformer à une étiquette en totale contradiction avec sa nature indépendante. Composée de six épisodes, Sisi devrait être visible quelque part sur les chaînes du groupe TF1 chez nous. (M.O.) 

Mister 8 

Voilà une série qui a le mérite de posséder un pitch original : Maria (lumineuse Krista Kosonen), la CEO d’une grande entreprise, s’épanouit en étant polyamoureuse. Cette femme d’affaires, qui n’a pas le time, a mis au point des contrats précis avec sept hommes, auxquels elle accorde un jour de son temps (et de son amour) par semaine. Mais l’arrivée d’un huitième crush va tout chambouler… Filmée dans un superbe noir et blanc, cette comédie romantique contemporaine fourmille de bonnes idées et de créativité. 

Si elle aurait pu être davantage centrée par la perspective de notre héroïne (la série étant écrite par trois hommes, Teemu Nikki, Antero Jokinen et Vesa Virtanen, ceci explique peut-être cela…), le choix d’une tonalité qui mêle comédie et espionnage fonctionne. On sent venir une mécanique qui va voir notre “Mister 8” ruser pour se débarrasser, un par un, de ceux qu’il voit comme sa concurrence et imposer une monogamie bien plus normée à Maria. Mais cette romance finlandaise, qui renverse astucieusement les genres en donnant le pouvoir (financier et amoureux) à Maria, nous réserve peut-être des surprises au cours de ses huit épisodes. On ne demande que ça ! (M.O.) 

Sad City Girls 

On attendait les héritières de Girls ou Broad City, et on a été servies avec l’arrivée d’une nouvelle série israélienne qui explore ce moment charnière du passage à l’âge adulte, quand on a 20 ans et qu’on quitte pour la première fois le nid familial pour le tumulte de la ville. C’est ce qui arrive à notre héroïne, qui emménage à Tel Aviv pour la première fois et cherche une coloc. Elle va faire la rencontre d’une jeune femme aussi fun qu’imprévisible, qui peut être une alliée de poids ou… un vrai boulet ! 

Dans le genre de la dramédie féminine, Sad City Girls se distingue par son ton irrévérencieux, qui penche plus du côté de la comédie que du drame, et une héroïne grosse et lesbienne, qui a un crush sur sa boss de 14 ans son aînée. Le genre de premier rôle qu’on n’a pas l’habitude de voir dans une série et qui permet d’apporter une perspective différente sur ce genre longtemps trusté par des héroïnes hétérosexuelles (le seul contre-exemple est The Bisexual, de Desiree Akhavan). L’énergie et l’alchimie des deux colocs vingtenaires emportent l’adhésion, et nous donnent résolument envie de découvrir la suite de leurs aventures (en dix épisodes) de galériennes au cœur de la bouillonnante Tel Aviv. La série raconte aussi joliment ces amitiés de jeunesse un peu dingues, aussi fusionnelles que déchirantes quand elles se terminent. (M.O.) 

Montre jamais ça à personne

Des années avant de devenir le ninja du rap français, Orelsan ne semblait avoir aucune chance de percer dans le game. Entouré de ses potes de toujours, Gringe, Skread et Ablaye, passant leur temps à faire des conneries et fumer des joints dans un studio de Caen, Aurélien Cotentin pensait lui-même que tout était “perdu d’avance”. Personne n’aurait misé sur lui sauf son petit frère Clément, qui a filmé pendant près de vingt ans les coulisses de la création du personnage Orelsan. Après avoir passé près de trois ans à fouiller, explorer et compiler des moments captés à l’aide d’une caméra amateur, il les a montés et rassemblés dans une série documentaire d’une authenticité bluffante, Montre jamais ça à personne.

Avec ce projet de toute une vie, Clément nous plonge dans l’intimité la plus sincère de son grand frère. Un mec ordinaire, paumé, un peu naïf mais persuadé d’avoir un don pour le rap, qui passe ses journées à écrire des personnages et s’inventer une vie au fil des mangas et de la pop culture qu’il ingère. Montre jamais ça à personne revient sur des périodes glorieuses ou au contraire troubles de la carrière d’Orelsan, des polémiques sur la misogynie de “Sale p*te” à la composition du tube “La Terre est ronde” en passant par le concert mémorable mais totalement improvisé du Zénith de Paris. Un récit poignant sur les galères de la vie, l’humilité et l’amitié, qui raconte comment le petit Orel a évolué en respectable “san”. (A.D.) 

About Saturday 

Cette série courte norvégienne créée par Liv Mari Ulla Mortensen s’attaque à un sujet essentiel de notre société post-MeToo, la notion de consentement. L’héroïne, Klara, 22 ans, travaille pour un podcast où elle raconte ses dates plus ou moins réussis. Mais ce samedi-là, la soirée avec l’homme qu’elle rencontre se termine sur une note très inconfortable. Il la pressurise à avoir des rapports sexuels alors qu’elle lui signifie corporellement et oralement le fait que tout va trop vite pour elle. Klara n’a ensuite qu’une envie, oublier ce moment et reprendre sa vie avec ses amis. Mais elle va vite réaliser que son corps et son esprit ont été marqués par cette expérience traumatisante.

©MaipoFilm

On pense forcément à Michaela Coel et son fabuleux I May Destroy You, tant Liv Mari Ulla Mortensen explore un sujet connexe au viol, celui du consentement, et cette fameuse “zone grise”. Elle ne l’est pas tant que ça, grise, cette zone en réalité, comme le montre la scène entre Klara et son date. S’il avait écouté son langage corporel et ses mots, il aurait compris que Klara était mal à l’aise. Et encore mieux, s’il avait activement recherché un consentement éclairé. Une série forte, nécessaire, et qui, on l’espère, permettra de poursuivre cette discussion, notamment chez les plus jeunes, souvent mal informés (comme leurs aînés) sur la sexualité et qui ont tendance à reproduire dans la chambre des situations de domination, reflet de notre société patriarcale. Sans parler de l’influence du porno mainstream et son male gaze déshumanisant. On espère de tout cœur que cette série trouvera un diffuseur français : elle aurait par exemple toute sa place sur France.tv Slash par exemple. (M.O.) 

Un article écrit par Marion Olité et Adrien Delage.