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La série Souviens-toi l’été dernier est un massacre, mais pas celui qu’on espérait

La série Souviens-toi l’été dernier est un massacre, mais pas celui qu’on espérait

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© Amazon Prime Video

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Par Marion Olité

Publié le

La version sérielle du hit ciné des années 1990 nous a plus que déçu·e·s, voilà.

Lancée sur Amazon Prime Video au mois d’octobre pour rassasier les fans d’horreur en pleine période d’Halloween, la série Souviens-toi l’été dernier représente une nouvelle (et sans doute pas la dernière) tentative de transposition d’un genre, le slasher, qui a connu ses heures de gloire dans les années 1980 puis 1990 sur grand écran. À la manière de Scream avant elle, qui a connu une bien médiocre itération sérielle, Souviens-toi l’été dernier appartient aux hits ciné de la fin des nineties.

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Il faut dire que le premier film (chut, les autres n’existent pas) sorti en 1997 bénéficiait de la plume d’un jeune scénariste on fire, Kevin Williamson (également la plume inspirée du tout premier Scream), et d’un cast de jeunes acteurs et actrices en pleine hype à cette époque (Sarah Michelle Gellar, Freddy Prinze Jr., Jennifer Love Hewitt et Ryan Phillippe). La réalisation inventive et inspirée de Jim Gillespie ainsi qu’un tueur mémorable avaient achevé de faire de Souviens-toi… l’été dernier un succès au box-office, et de faire entrer l’œuvre au panthéon de la pop culture horrifique.

Vingt ans plus tard, alors que les projets de reboots d’œuvres sorties dans les années 1990 pullulent, on n’a pas été étonnés plus que ça par cette idée de réimaginer une nouvelle fois le roman de Lois Duncan, Comme en un mauvais rêve, sorti en 1973, inspiration initiale du film. Les grandes œuvres traversent les époques, et sont sans cesse réinterprétées par de nouveaux artistes pour rester sociétalement pertinentes. Et cette histoire d’un groupe d’ami·e·s qui tue accidentellement une personne après une soirée arrosée, et se retrouve persécuté par un·e psychopathe assoiffé·e de vengeance a quelque chose de résolument moderne à l’époque du cyberharcèlement. Ce n’est pas pour rien qu’une série comme Pretty Little Liars, au concept proche (les “petites menteuses” cachent un terrible secret et sont harcelées par “A”), a connu un succès international durant sept saisons. La série Souviens-toi l’été dernier suivra-t-elle le même chemin ? Il est un peu tôt pour se prononcer, mais au visionnage de sa première saison, on n’espère pas.

Cet été-là, on a envie de l’oublier

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Se déroulant de nos jours à Hawaï, cette version sérielle met en scène les jumelles Lennon et Allison Grant (Madison Iseman fait ce qu’elle peut pour incarner les deux), identiques physiquement mais aux personnalités opposées. La première est populaire, libertine et extravertie, quand la deuxième est mal dans sa peau, timide et n’a pas d’ami·e·s. Après une soirée de remise des diplômes arrosée à l’alcool et autres drogues, la bande repart en voiture. Et comme dans le film, entre la musique et les hurlements, c’est trop tard quand Lennon percute et tue sur le coup quelqu’un qui n’est autre que… sa sœur jumelle Allison. Mais il y a un twist, et vous le voyez sans doute venir tant les fictions centrées sur des jumeaux ou des jumelles manquent d’originalité : en fait, c’est Allison qui était au volant et Lennon qui est morte. Dans la panique, la jeune femme opte pour le mensonge, puis après avoir tout avoué à son père, les deux décident qu’effectivement, il est plus sage (non) qu’Allison continue de se faire passer pour Lennon (pourquoi ?). Notre antihéroïne doit donc garder pour elle un double secret : elle a tué sa sœur, et elle doit se faire passer pour elle, notamment auprès de sa bande de potes, qui croit avoir tué Allison.

Vous avez compris ? Parce que dès qu’on commence un pitch avec des jumelles, ça devient aussi flou que foireux en général. Et ces deux adjectifs qualifient aussi pas mal la série, à mon grand regret. Fan du genre slasher, avec lequel j’ai grandi, et de ce film en particulier qui a bercé mon adolescence (et celle de plein de trentenaires actuel·le·s), j’avais envie d’y croire ! Peine perdue, rien ne va. Et même avec la meilleure volonté du monde, difficile de conclure à autre chose qu’à un terrible raté.

Les personnages esquissés passent encore – on note une visibilité LGBTQ+, ça fait toujours plaisir –, même si on se serait volontiers passé·e·s du choix de prendre des jumelles. Les protagonistes secondaires, du sexy dad (joué par Bill Heck) de Lennon et Allison aux potes – l’influenceuse drama queen Margot (Brianne Tju), le weirdo Dylan (Ezekiel Goodman), censé être aussi le jeune premier que tout le monde s’arrache et, de ce point de vue, c’est un peu raté (n’est pas Freddy Prinze Jr. qui veut !), le BG gay Johnny (Sebastian Amoruso), ou encore la redneck malgré elle Riley (Ashley Moore) – ont du potentiel. Et puis dans un slasher, il faut noter que les personnages sont toujours un peu clichés. Sachant qu’iels vont tous y passer les uns après les autres, iels doivent se distinguer vite et fort par leurs traits de caractère. Non, ce qui ne va pas, c’est tout le reste : un manque de rythme général, de tension, d’orchestration musicale digne de ce nom lors des scènes censées être flippantes – mais qui donnent là plutôt envie de dormir –, de créativité dans les meurtres…

Souviens-toi… de la recette d’un bon slasher

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La mise en scène relève de la flemmardise, alors qu’un slasher réussi passe par des séquences horrifiques marquantes. On se souvient encore de la montée de la tension, de la course-poursuite effrénée du personnage de SMG dans le magasin de sa sœur, tout juste couronnée miss de sa ville dans le film Souviens-toi… l’été dernier, et de son meurtre implacable par le tueur au crochet alors qu’elle arrivait au niveau de la fête, et était à deux doigts d’être secourue. Ascenseur émotionnel garanti ! Aucune scène dans la série ne procure cette même sensation. Le gore est là, parfois, mais mal amené.

En revanche, plusieurs scènes assez hard – notamment la boulimie de Margot filmée en gros plan, ou de l’automutilation assez gratuite qui ne sert qu’à distinguer les jumelles – arrivent comme un cheveu sur la soupe, de même que les nombreuses allusions aux drogues. Comme si les scénaristes ne retenaient de la nouvelle génération d’ados que leur goût pour le trash. La soirée post-remise des diplômes, filmée façon Euphoria du pauvre, en rajoute une couche. Le lieu de l’action, Hawaï, aurait aussi pu être davantage exploité. Par exemple, la présence d’un personnage hawaïen parmi le groupe d’ami·e·s aurait été appréciée et aurait pu permettre de s’immerger davantage dans la culture hawaïenne.

© Amazon Prime Video

Et puis revenons aux bases : un slasher a besoin d’un tueur ou d’une tueuse saisissant·e. Ça fait partie du package. Souviens-toi… l’été dernier, c’est le tueur au crochet et au ciré de pêcheur. Ici, la série s’en passe carrément, ce qui n’aide pas à créer une mythologie qui tient la route. Une histoire de secte hyper floue et mal intégrée pointe le bout de son nez, tandis que la révélation finale, dans la droite lignée de Scream 4, ne semble avoir été imaginée que pour nous dire : “Vraiment, cette génération de jeunes, accros aux réseaux sociaux, est prête à tout pour être au centre de l’attention.” Même du côté de la représentation LGBTQ+, après une joie initiale de voir trois protagonistes queers présents, on déchante vite : les deux premières victimes sont Lennon, la sœur jumelle (bi ou pan) décrite comme une peste qui couche avec tout ce qui bouge et rend sa sœur misérable, puis Johnny, le seul personnage gay.

Finalement, la tueuse s’avère queer, voire lesbienne (ce n’est pas dit mais durant les huit épisodes, elle ne semble attirée que par Lennon/Allison), et répond parfaitement au cliché de pop culture de la “lesbienne psychopathe”. Donc en somme, les protagonistes LGBT dans cette série sont soit de la chair à pâté sacrifiée en premier, soit un·e psychopathe qui harcèle notre héroïne avec son amour malsain et étouffant.

Au-delà de l’analyse sur la représentation des minorités, on ne peut que constater que cette série est ratée. Ce qui amène une question : le slasher est-il vraiment soluble dans le format sériel ? On a envie de dire non tout de suite, mais en y regardant de plus près, l’intrigue y est étendue alors qu’un bon slasher au cinéma dépasse difficilement 1 h 45. Or, nombre de franchises horrifiques ne sont qu’une série de films, plus ou moins réussis. Si une série comme PLL, qui possède une tonalité slasher, a réussi là où tant de slashers en série (Scream, Slasher, AHS: 1984…) ont échoué, c’est peut-être aussi car les scénaristes et showrunners – ici Sara Goodman – ne prennent pas la peine de réviser leurs classiques et de mélanger les genres en y apportant un soin égal. PLL était aussi un teen drama et un soap. En son temps, Buffy fut un teen drama marquant, versant dans le fantastique mais aussi l’horrifique. Souviens-toi l’été dernier a manqué de tout : d’une plume brillante qui secoue un genre ultra-balisé, d’une mise en scène inspirée et d’un tueur ou d’une tueuse qui nous fasse vraiment frissonner.

Les huit épisodes de la série Souviens-toi l’été dernier sont disponibles sur Amazon Prime Video.