En saison 4, The Handmaid’s Tale a-t-elle retrouvé le feu sacré ?

En saison 4, The Handmaid’s Tale a-t-elle retrouvé le feu sacré ?

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Par Delphine Rivet

Publié le

Les trois premiers épisodes disponibles sur OCS laissent présager un retour en grâce pour la série de Bruce Miller.

D’abord adoubée, puis critiquée pour ses choix scénaristiques, ses errances et son exploitation à la limite du supportable du torture porn, The Handmaid’s Tale opèrerait-elle un retour en grâce avec sa saison 4 ? Si les trois premiers épisodes, disponibles sur OCS, ont tout de même éveillé quelques réticences (les vieilles habitudes ont la vie dure, on reste sur nos gardes), la révolution qu’ils amorcent a définitivement ravivé notre intérêt pour la série.

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Attention, on va devoir évoquer quelques intrigues de ces trois premiers épisodes. Si vous ne voulez rien savoir du tout, passez votre chemin !

Après deux ans d’absence sur nos écrans, nous retrouvons donc June là où on l’avait laissée, juste après son opération de sauvetage des enfants. Elle s’est pris une balle dans le ventre et est au plus mal. Ses sœurs s’empressent de la secourir, en cautérisant sa plaie avec les moyens du bord. Ce sera suffisant pour qu’elle tienne debout et conduise son petit groupe jusqu’à un refuge. Il s’agit d’une maison, tenue par un Commandeur physiquement et mentalement diminué, et dont l’épouse, Esther, est secrètement une alliée de la résistance. La jeune fille se confie à June sur ce que son mari et maître lui a fait subir. Impuissant, il “invitait” des hommes du régime (des Yeux, des chauffeurs, des Commandeurs) à la violer à tour de rôle.

Alors, lorsque l’un d’eux se fait capturer aux abords de la propriété, l’heure des représailles a sonné. Le bourreau est désormais à la merci de sa victime, qui l’exécute comme on abat un porc. Mais on ne verra rien de la scène car, pour une fois, la caméra se détourne. Après toutes les horreurs infligées aux femmes de la série, montrées plein cadre, le choix de mettre un voile pudique sur la violence des martyrisées est pour le moins questionnable. Surtout que cet acte va constituer le ciment de la sororité qui unit désormais les handmaids et les Martha de la maison, et sera le point de départ d’une relation mère-fille entre June et Esther.

Paradoxalement, The Handmaid’s Tale adoptait jusqu’ici un discours plutôt controversé concernant la maternité. Elle établissait dès le départ que la biologie l’emportait sur le reste et qu’un enfant, né d’un viol et non désiré par la femme qui le porte et le met au monde, ne devrait pas quitter cette dernière. Aujourd’hui, la série, qui s’est émancipée du roman de Margaret Atwood depuis la saison 2, semble faire son examen de conscience et questionne enfin ses propres biais conservateurs. Lorsque les enfants arrivent au Canada et sont rendus à leur mère biologique, il ne faut pas longtemps aux équipes de bénévoles, dont Moira, pour se rendre compte qu’ils sont malheureux. De leur point de vue, ils ont été arrachés à la seule famille qu’ils connaissent, et ce même si cela implique un endoctrinement idéologique. Serena, de son côté, n’a de cesse de réclamer sa fille, celle qu’elle a tant désirée et pour laquelle elle a subi humiliations et sévices de la part de son mari. June enfin, qui est aussi privée de sa fille (Hannah, la première, qu’elle a eu par amour avec Luke), transfère son affection sur la jeune Esther, comme on le disait plus haut.

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Notre héroïne embrasse désormais sa mission de leadeuse et devient la figure de proue, telle la liberté guidant le peuple, d’une résistance qui s’organise enfin. Mayday, le bras armé de cette révolte des opprimées et jusqu’ici entité abstraite, prend alors forme humaine. La consolidation de cette sororité entre handmaids, c’est ce que redoutaient le plus les hommes du régime. Comme tout symbole révolutionnaire, June est une menace sans précédent pour Gilead et ce qu’il représente. Ce dernier est affaibli, conscient que sa fin est peut-être proche, mais telle une bête enragée à l’agonie, il peut encore mordre. Pourquoi, dans ce cas, face au danger que représente June, n’est-il pas décidé en haut lieu de la liquider une bonne fois pour toutes ? C’est un nœud que la série à bien du mal à défaire. Alors elle tourne autour, peinant à justifier le fait de maintenir June en vie et de la garder du mauvais côté de la frontière.

La raison semble évidente, mais peu avouable : sans elle, plus de série. On pourrait pourtant imaginer que The Handmaid’s Tale, à un point donné, se poursuive par-delà la seule figure de June. Puisqu’elle est l’étincelle qui met le feu aux poudres et que des foyers de résistance sont allumés à l’intérieur comme à l’extérieur de Gilead, d’autres héroïnes pourraient tout à fait émerger et continuer son combat. Mais clairement, les scénaristes veulent à tout prix éviter ce changement de paradigme pour l’instant. Consciente que ses ficelles scénaristiques dépassent un peu du jupon, la série apporte une justification un peu timide par le truchement de Tante Lydia. Cette dernière, lorsque June la supplie de la tuer, lui rétorque que Gilead a plus que jamais besoin des matrices fertiles des handmaids depuis la fuite des enfants au Canada. Mouais…

Ce troisième épisode, presque entièrement consacré au supplice psychologique et physique de June, est, on l’espère, une des dernières fois où The Handmaid’s Tale fait appel au torture porn pour provoquer en nous des émotions. Elle n’a pas besoin de ça, et nous non plus. Pas seulement parce que chaque scène est plus épuisante à regarder que la précédente, mais aussi parce que l’artifice est usé. Or, le trailer de la saison 4 laissait entrevoir une perspective pour le moins réjouissante et, en premier lieu, un changement radical de décor. On y voyait June et Janine sans leurs habits de handmaids, dans les rues de Chicago jonchées de décombres encore fumants et infestées de véhicules militaires. Cette vision post-apocalyptique suffit à raviver notre intérêt. La saison 4 sera-t-elle celle du renversement ? Celle où June fera tout péter ? La série ayant été renouvelée pour une saison 5, on imagine qu’elle a gardé ses plus grosses cartouches pour la suite. The Handmaid’s Tale, si elle se repose encore un peu trop sur ce qu’elle connaît, semble avoir aussi compris qu’il était temps de bousculer un peu les choses. Et les prochains épisodes s’annoncent déjà déterminants pour son avenir. 

La saison 4 de The Handmaid’s Tale est actuellement diffusée en US+24 sur OCS.