Ramy ou la chronique captivante d’un jeune musulman dans l’Amérique de Trump

Ramy ou la chronique captivante d’un jeune musulman dans l’Amérique de Trump

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Par Florian Ques

Publié le

Marchant dans les pas de Donald Glover et son chef-d’œuvre Atlanta, Ramy Youssef nous raconte une histoire des plus singulières.

Lorsqu’on appartient à une minorité quelle qu’elle soit, il ne fait pas toujours bon vivre aux États-Unis. Il suffit de survoler les gros titres de ces derniers mois – que dis-je, ces dernières années – pour prendre conscience du climat sociétal pesant chez nos voisins d’outre-Atlantique. Personnes racisé·e·s, gays, trans… tant de communautés se retrouvent de façon arbitraire dans le viseur d’un certain monsieur à la peau orangée.

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Comme une réaction épidermique, plusieurs séries sont nées d’un désir de prendre position, se montrant ouvertement engagées et mettant un point d’honneur à donner une voix à ceux qui, sous le règne de Donald Trump, n’en ont pas, ou plus. Ramy, nouvelle dramédie fraîchement ajoutée au catalogue de la plateforme Hulu, se place dans cette trajectoire inclusive.

Dans cette série aux ambitions a priori modestes, Ramy Youssef (croisé dans des rôles anecdotiques jusqu’alors) se glisse dans la peau de Ramy Hassan, un vingtenaire d’origine égyptienne né aux US. Au quotidien, il doit jongler entre ses parents omniprésents, sa recherche éperdue du grand amour et sa foi, celui-ci étant musulman. C’est un personnage qui évoque inexorablement celui de Donald Glover dans sa série Atlanta, et ce n’est pas la seule similitude entre les deux séries.

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Dans Atlanta, Glover passe au crible la société américaine contemporaine à travers un filtre particulier, sans pour autant se donner un rôle de porte-parole pour toute une communauté. Celui qu’on connaît aussi sous le pseudonyme de Childish Gambino soulève plusieurs thématiques propres aux expériences des personnes noires aux États-Unis. C’est subtil, c’est creusé. Mais, surtout, c’est intime et délimité, car Donald Glover ne cherche pas à ratisser large pour faire de son histoire un récit universel.

Ramy procède de la même manière. Cumulant plusieurs casquettes – acteur principal, réalisateur, scénariste –, Ramy Youssef entreprend de narrer une histoire singulière, qui entre une résonance avec celle de la communauté musulmane présente aux US. L’idée, c’est un peu que Ramy est musulman mais que tous les musulmans ne sont pas Ramy : un message que la série réussit à bien faire passer.

L’un des grands mérites du show est de mettre en lumière une minorité que les séries ont tendance à oublier. En effet, les personnages musulmans sont rares sur la petite lucarne. Et quand ils sont présents, ils correspondent à des clichés ambulants. Les femmes musulmanes gagnent petit à petit en visibilité et en nuance, en témoignent Fara Sherazi dans Homeland ou encore Adena dans The Bold Type. Les hommes musulmans, eux, stagnent dans des rôles stéréotypés et peinent à se détacher de l’étiquette de terroristes en puissance qu’Hollywood veut leur coller.

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Ici, Ramy Youssef et ses scénaristes ont esquissé un protagoniste qui s’avère être musulman et a des origines égyptiennes. Au-delà de ça, Ramy a de multiples facettes qui se rapportent, ou non, à sa croyance ou à sa couleur de peau. C’est un personnage beau car complexe, nuancé et surtout rare sur le grand comme le petit écran.

Sur le fond, Ramy traite là aussi de sujets fréquemment survolés, notamment la stigmatisation dont souffre la communauté musulmane aux États-Unis. Le sixième épisode de la saison, “Refugees”, s’impose comme un bottle episode soigné, centré sur la sœur cadette de Ramy et sur le fétichisme malsain dont elle fait l’objet par un homme blanc. C’est un chapitre lourd, mais qui souligne clairement les enjeux sexistes et racistes qui peuvent se jouer dans une relation sans pour autant qu’on en prenne conscience.

Somme toute, bien que Ramy ne possède pas (encore) l’éclair de génie d’un Atlanta, la série marche dans ses pas. Elle a des choses à dire, parfois anodines, parfois plus conséquentes, et sait comment les mettre en forme avec un style appréciable.

La première saison de Ramy est disponible sur Hulu aux US depuis le 19 avril, et reste inédite en France.