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La dramédie Jeune et Golri fait éclore le talent d’Agnès Hurstel

La dramédie Jeune et Golri fait éclore le talent d’Agnès Hurstel

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©OCS

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Par Marion Olité

Publié le

L’humoriste sort sa première série chez OCS, et elle est en effet golri !

Présentée au festival Séries Mania, où elle concourait dans la compétition française et a remporté pas moins de deux prix, celui de la Meilleure série et de la Meilleure musique, Jeune et Golri illustre parfaitement le fil rouge de cette édition 2021. Cette dernière était centrée sur l’univers du stand-up, un sous-genre de l’humour venu des États-Unis et en pleine ébullition en cette période post-#MeToo et Black Lives Matter, où des artistes comme Hannah Gadsby interrogent (dans son brillant spectacle Nanette, dispo sur Netflix) les mécanismes de l’humour auto-dépréciatif et oppressif.

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En France, ces questionnements-là infusent aussi, certes plus lentement et en étant moins sociétalement révolutionnaires ou ouvertement féministes. Dans le pays de l’universalisme, on avance à pas feutrés. Mais tout de même, on avance. La preuve avec cette dramédie novatrice, composée de huit épisodes d’une vingtaine de minutes, qui se binge-watche en deux soirées.

Plus connue pour sa pastille humoristique “Drôle d’humeur” sur France Inter, Agnès Hurstel pilote ici sa première série, inspirée par sa vie, ses proches et ses potes du milieu du stand-up. Elle se glisse dans la peau d’un alter ego fictif, Prune, 25 ans, une millennial qui peine à décoller sur scène. Après un coup de foudre avec Francis, 47 ans, la jeune femme qui ne veut pas d’enfants et n’aime pas spécialement leur compagnie se retrouve belle-mère par procuration d’Alma, la fille de son amoureux, âgée de 6 ans et déjà plus intello qu’elle. Cette cohabitation compliquée va l’inspirer sur scène et la faire grandir tout court.

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Si l’idée de placer une jeune femme sur la scène du stand-up avait quelque chose d’inédit (en France en tout cas, aux États-Unis, The Marvelous Mrs Maisel est passée par là avec brio) et attrayant, on était plus réticentes sur le papier concernant cette histoire d’amour avec un homme (incarné par Jonathan Lambert) qui a quasiment le double de l’âge de l’héroïne – une représentation vue et revue sur le grand comme le petit écran. Le choix d’ajouter un enfant au cœur du récit, alors que le personnage n’en veut pas, semblait tout à coup beaucoup moins “golri”.

C’était sans compter le talent et la créativité d’Agnès Hurstel (secondée par les scénaristes Léa Domenach et Victor Saint Macary), qui emmène son histoire là où on ne l’attend pas. La différence d’âge entre les deux tourtereaux est clairement abordée et assumée (là où Hollywood et le cinéma français ont tendance à normaliser ce type de représentation “femme jeune et homme plus âgé”), notamment dans des sketchs tout sauf politiquement corrects, où le personnage de Francis prend cher.

Quand la première rencontre avec Alma tourne au vinaigre, la fillette se comportant en monstre (fan de Napoléon pour couronner le tout !), on se dit que toute la série va tourner autour de cette rivalité un peu grotesque entre la “vraie” petite fille et Prune, celle qui en est restée une dans sa tête. Mais non : dans l’épisode suivant, la scénariste emprunte une voie différente et reconfigure une relation qui a le bon goût de se jouer des stéréotypes rances de la belle-mère horrible et jalouse de sa belle-fille par exemple.

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L’autre point fort de Jeune et Golri, c’est évidemment l’humour et ses scènes de stand-up. Blague sur les vieux, sur les enfants, sur la sexualité… Agnès Hurstel se permet tout, ses vannes sont parfois très très dark, et ça passe avec une facilité déconcertante ! Les personnages secondaires, des adulescents incarnés par Marie Papillon, Lison Daniel, Nordine Ganso ou Thomas Gioria, accompagnent idéalement notre anti-héroïne, sur scène ou non.

On aime aussi beaucoup la réalisation moderne et très pop, signée Fanny Sidney et accompagnée d’une bande-son adorable, signée Pierre Leroux, la moitié du groupe Housse de Racket. La réalisatrice dynamise le format de la dramédie en proposant des séquences animées (quand Prune appelle ses parents pour indiquer où elle se trouve) ou des petits montages rapides (quand Prune explique la passion d’Alma pour Napoléon) qui nous sortent du côté très réaliste du genre.

Ce brillant coup d’essai augure du meilleur pour la suite de la carrière d’Agnès Hurstel, géniale touche-à-tout qui n’a pas fini de nous bousculer dans nos habitudes… et de nous faire marrer.

La saison 1 de Jeune et Golri est diffusée sur OCS Max et en intégralité sur OCS à la demande.