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Pourquoi les séries Marvel sont une lettre d’amour au petit écran

Pourquoi les séries Marvel sont une lettre d’amour au petit écran

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Ⓒ Disney+

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Par Adrien Delage

Publié le

De leurs références à leur format, les séries de Marvel Studios rendent hommage à la télévision traditionnelle.

Qu’on aime ou non le Marvel Cinematic Universe de Kevin Feige, force est de constater que le super-producteur a bâti un véritable empire cinématographique. Il est devenu un nouvel ambassadeur de la pop culture moderne, centré évidemment sur les super-héros de la Maison des Idées, en construisant une franchise riche et prolifique à la progression tentaculaire. D’une certaine manière, Kevin Feige est l’un des premiers “showrunners” du grand écran, en étant parvenu à sérialiser la saga des Avengers sur plus de vingt films et dix ans d’existence.

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Avec l’arrivée de séries Marvel sur Disney+, et la promesse que cette fois toutes les productions seraient connectées à l’univers étendu, les fans étaient à la fois inquiets et intrigués. Les échecs de cohérence avec Agents of S.H.I.EL.D. et ses spin-off ou encore le mini-MCU de Netflix (Daredevil, Jessica Jones, Luke Cage…) par le passé ont frustré une partie de la communauté, peu importe la qualité de ces séries. Avec en prime l’angoisse et la pression de la pandémie, qui a bouleversé les tournages et leur organisation dans le monde entier, on pouvait craindre le pire pour WandaVision, Falcon et le Soldat de l’hiver ou encore Loki.

Après la diffusion de ces trois séries, les fans peuvent être rassurés. Disney+ est devenu un véritable terrain de créativité pour les équipes de Marvel Studios, qui en profitent pour approfondir la psychologie de certains personnages secondaires sous-exploités dans les films. Paradoxalement, ces séries, et WandaVision en particulier, ont opté pour un format qui les rapproche de la télévision traditionnelle : une diffusion hebdomadaire et un hommage à des œuvres cultes du petit écran américain. Un sacré pied de nez de la part d’une plateforme de streaming, qui est censée encourager le visionnage boulimique de contenus et non favoriser l’attente parfois intenable entre chaque épisode. En vérité, les séries de Marvel Studios s’imposent comme une lettre d’amour inconditionnelle au format qu’on appelait autrefois le feuilleton.

WandaVision, les sitcoms du cœur

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Contrairement aux films du MCU qui, malgré quelques fulgurances, appliquent souvent une recette narrative et artistique similaire, les séries font preuve d’audace. Elles traversent les genres et revisitent des thématiques plus sombres, conséquence directe des derniers crossovers Avengers marqués par l’échec contre Thanos, la disparition voire la mort de certains super-héros emblématiques du MCU. Créativement, WandaVision est très certainement l’œuvre qui se détache le plus du lot avec son format intelligemment trompeur de la sitcom.

Abattue par la mort de Vision, Wanda s’invente et trouve refuge dans une réalité alternative, où elle dicte ses propres règles. Au cours des épisodes, on apprend que son inspiration est née au cours de son enfance, quand elle passait des heures à regarder des sitcoms avec sa famille. Déjà là, la série propose une vision très méta de son format, qui peut directement faire référence à la jeunesse des sériephiles qui se retrouvaient en famille sur le canapé pour profiter du tube cathodique. Mais WandaVision va plus loin dans son propos en rendant carrément hommage aux feuilletons nostalgiques de la télévision américaine.

Malcolm, Ma sorcière bien-aimée, I Love Lucy, The Dick Van Dyke Show… La série traverse les âges du petit écran en même temps que Wanda tente d’appréhender et d’accepter la mort de Vision. Cette thérapie passe par plusieurs états, symbolisés par le style et l’esthétique des sitcoms d’antan : le noir et blanc, l’arrivée des couleurs électriques des seventies, le côté punk chaotique des années 1990… Cette volonté d’explorer les comédies rassurantes de cet ancien âge d’or des sitcoms est complètement revendiquée par la showrunneuse Jac Schaeffer, qui en parle comme une forme de catharsis pour Wanda – et tous les sériephiles qui s’identifient à la Sorcière rouge :

“Dans ma vie personnelle, il m’est arrivé plusieurs fois d’avoir la sensation de perdre le contrôle. Je devais constamment me rappeler que c’est tout ce qui compte au final. Mais il y a des jours sans et des jours avec, et c’est ce qui m’intéressait d’explorer avec ces personnages. Oui, il y a ce grain de folie dans les sitcoms, mais est-ce qu’on parle de l’angoisse et la peur qui se cachent derrière ? Vous pouvez rester bloqués dans un état, bon ou mauvais, durant toute votre vie. C’est tout ce que j’ai mis dans la série, car c’est ce que je me répète en boucle.”

Falcon, le thriller d’espionnage politique

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La série consacrée à Sam et Bucky est sûrement celle qui s’éloigne le plus du format sériel. Elle a très clairement été écrite comme un film de six heures, un élément marqué par son montage clippesque et ses deux derniers épisodes qui auraient pu s’enchaîner sans aucune pause. Falcon et le Soldat de l’hiver emprunte aussi beaucoup aux codes du buddy movie avec le parcours de ses deux super-héros, plus ou moins rivaux au début de l’histoire avant de finalement s’entendre comme larrons en foire au terme des six épisodes.

Cela dit, le show de Marvel comporte des éléments narratifs qui font appel à une écriture feuilletonnante. Falcon et le Soldat de l’hiver est une sorte de dyptique introspectif sur le deuil et l’héritage de deux âmes égarées. D’abord avec la disparition de Steve Rogers, parti vivre sa romance avec Peggy dans le passé, ensuite sur la dissolution des Avengers marqués par la mort de Tony Stark. Ainsi, la série propose une forme de thérapie pour les deux justiciers troublés par du stress post-traumatique du côté de Bucky, et la peur de ne pas être à la hauteur du bouclier et des valeurs de Captain America dans le cas de Sam.

Cette façon très incisive de plonger dans la psychologie des personnages est typique des séries. À plusieurs moments, Falcon livre des informations anecdotiques mais pourtant très intéressantes qui nourrissent la richesse du Marvel Cinematic Universe : la précarité des Avengers, l’île refuge des criminels de Madripoor, la conspiration autour du sérum du super-soldat et des enjeux socio-politiques qui n’apparaissent pas ou peu dans les films. Nul besoin de le répéter, mais les séries ont toujours été progressistes et en avance sur leur temps par rapport à l’inclusivité et la représentation des minorités et Falcon le fait à sa manière pour une production Marvel malgré tout très formatée.

Le show pose des questions pertinentes (du moins, à l’époque de l’Amérique de Trump) qui font écho à notre réalité. Par exemple, le peuple américain acceptera-t-il un Captain America noir, comme il avait soutenu Barack Obama aux élections présidentielles de 2008 et 2012 ? Dans la même idée, une scène marquante de l’épisode 3, où Sam est arrêté par la police au profit de Bucky, met en évidence le white privilege subi par les minorités et notamment afro-américaines aux États-Unis, une forme de racisme plus discrète mais tout aussi violente pour ses victimes. Alors, évidemment, Falcon n’est pas When They See Us, Dear White People ou une production signée Jordan Peele, mais elle a l’audace de profiter de son format pour évoquer des thématiques contemporaines malheureusement souvent trop édulcorées, voire inexistantes sur les blockbusters du grand écran.

Loki, le procedural cosmique

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Au vu des événements tragiques d’Avengers: Infinity War, on ne pensait pas revoir Loki de sitôt dans le MCU. C’était sans compter sur Kevin Feige et l’amour de Tom Hiddleston pour son personnage, prêt à renfiler le costume du dieu de la Malice le temps d’une mini-série. Avec cette version alternative du frère de Thor, on ne savait pas à quoi s’attendre, même si ce spin-off semblait tendre vers l’univers cosmique du MCU et donc annoncer les futurs enjeux des films comme The Marvels, Les Gardiens de la Galaxie Vol. 3 ou encore Thor: Love and Thunder.

Dès les premiers épisodes, Loki prend effectivement une direction vers le côté spatial du MCU. On fait la rencontre des agents de la Time Variance Authority, on entend parler des Gardiens du temps et on aperçoit même brièvement des Pierres d’infinité. Mais paradoxalement, dans sa narration, la série propose aussi un aspect très terre à terre qui se rapproche du formula show, ou du procedural à l’américaine. En vérité, Loki est un thriller policier qui puise d’ailleurs son inspiration dans le cinéma de David Fincher (et plus précisément Seven, selon le showrunner Michael Waldron).

Si la série suit malgré tout un fil rouge bien moins redondant et réducteur, qui aura un impact sur la phase IV de Marvel Studios, on pourrait tout à fait imaginer Loki traquer à chaque épisode des “Monsters of the Week” comme dans un procedural traditionnel. On ne sait pas si Kevin Feige prévoit un spin-off de Loki, mais on peut lui souffler l’idée d’une série policière centrée sur la TVA, à la manière de ce qu’avait proposé la chaîne ABC avec Agents of S.H.I.E.L.D. Encore une fois, les séries Marvel empruntent des idées vieilles comme le monde pour réinventer leur univers dans un format télévisuel (ou plutôt streaming) qui a parfois oublié l’usage de certains codes nostalgiques.

Sans surprise, et comme on l’évoquait avec Falcon et le Soldat de l’hiver, Loki veut être progressiste et inclure des minorités à son histoire. Ainsi, Marvel a profité de la diffusion du show pour officialiser la non-binarité du personnage, judicieusement exploitée à travers les multiples variants du dieu de la Malice à travers l’espace-temps. La figure de Loki ne se résume plus à un seul genre ou identité de genre. Si Marvel appuie cette diversité dans ses prochaines productions, alors on pourrait tout à fait envisager Loki comme une nouvelle icône LGBTQ+. Comme avec le gant de Thanos, tout est possible sur la petite lucarne, et les séries de Marvel le lui rendent bien.

Les séries WandaVision, Falcon et le Soldat de l’Hiver et Loki sont disponibles sur Disney+.